Des cas de violences sexuelles dont le viol sur mineurs et des grossesses précoces et non désirées continuent à être quotidiennement répertoriés dans la ville de Bukavu ainsi que dans le territoire de Kabare. La fermeture des écoles (sauf pour les finalistes du primaire et secondaire), la fermeture des frontières Rwanda-RDC (les conditions actuelles pour traverser n’étant pas adaptées à toutes les bourses) et la conjoncture économique actuelle, ont des répercussions néfastes sur les droits des femmes et des jeunes filles. En cette moitié du mois d’ Août (Du 01 Août 2020 au 15 Août 2020), UWEZO AFRIKA INITIATIVE a monitoré 24 cas des violences basées sur le genre à Bukavu (Ibanda, Kadutu, et Bagira) ainsi que dans le territoire de KABARE (l’axe MUDAKA et l’axe LUDAHA) et dont voici la synthèse dans ce troisième feuillet
Violences sexuelles à l’encontre des filles et des femmes
Agée de 13ans, Naomie BWIRA, élève et habitant de la commune de BAGIRA été engrossée par un autre élève de 17 ans. Les parents de la fille ont découvert ce 12 Aout que leur enfant est enceinte, et ont conduit de force la fille dans la famille du garçon pour y vivre.
Un cas de viol est traité à l’amiable sur l’avenue IRAMBO 2 en commune d’Ibanda ce 8 Aout 2020. Sachant que son fils, âgé de 18 ans venait d’engrosser une fille de 14 ans, FURAHISHA Eveline remet une dot à la famille de la fille alors que la famille de cette dernière avait déjà porté plainte au bureau de la police.
Dans la même commune, au quartier NYALUKEMBA sur l’Avenue Albert, un garçon de 22 ans s’est enfuit après avoir rendu grosse une fille de 14 ans. Selon les témoignages recues, la police a déjà émis un mandat de recherche contre le garçon.
A NDENDERE, une fille de 16 ans, élève à l’école MAENDELEO a été violée par un garçon de 22 ans sur l’Avenue Route d’Uvira. Etant amis, le garçon a invité la fille chez lui et profitant de l’absence de ses parents et d’autres membres de la famille, le garçon prend de force la fille. Restée sous silence depuis le mois de juin, la fille brise le silence lorsqu’elle annonce au garçon qu’elle est enceinte et que ce dernier refuse d’assumer la responsabilité.
En date du 2 Aout aux environs de 22h, une fille âgée de 15 ans est violé par un homme de 22ans à KASHUNGURI I dans le groupement de MUDAKA à Kabare. La victime revenait du mariage de sa sœur, elle a été séquestrée ensuite dans une maison d’une femme libre à qui le présumé auteur avait déjà remis une somme d’argent. Recherché par la police après son forfait, les deux complices, la femme libre connue sous le nom de Mimi et le présumé auteur du viol ont pris le large. Le commandant de l’unité de la police chargé de lutte contre le viol et violences sexuelles, Immaculée BASIGOMOLE affirme avoir interrogé les parents du garçon pour qu’ils fassent connaitre où se trouve leur fils. La fille par contre a été transférée dans une structure médicale pour les soins appropriés.
Le 4 aout, vers 11 h, dans le même groupement de MUDAKA, à KONGE I, un homme de 37 ans, enseignant de son état viole une fille de 13 ans, qui garde ses enfants. Profitant du départ de son épouse au marché, le monsieur l’a prise de force.
Accès des filles à l’éducation formelle
A IBANDA, sur l’Avenue Bourguignon, Nelly MALIYETU, élève en 2e année primaire est tabassé par son frère ce 2 Aout 2020. La fille voulait suivre les cours à distance à la radio alors que son frère suivait la musique sur le même poste récepteur. C’est lors de cette discussion entre elle et son frère que ce dernier va lui donner des coups jusqu’à saigner du nez.
Des sources proches du lycée Mère Armanda de Murhesa indiquent qu’environ 40 filles élèves sont tombées enceintes durant la première quinzaine de ce mois d’Aout faute de manque d’encadrement.
Consterné, la Sœur Angélique regrette qu’il y ait eu suspension des activités scolaire et cette situation accentue les cas des grossesses précoces chez les jeunes filles. Contacté, Hubert CIMANUKA, le sous Proved de Kabare 2 invite les parents à encadrer les enfants durant cette période.
Comme des centaines d’autres filles rencontrées, MIHIGO Ombeni du village de MOGO dans le territoire de KABARE à BONOBONO, élève de la sixième année primaire n’a pas pu suivre les cours à distance durant la période de suspension des cours puisque son père n’avait pas de poste récepteur. Dépourvu des moyens financiers, elle vendait des avocats pour suppléer aux besoins de sa famille.
Pouvoir économique
Maman Irène, veuve et mère de 5 enfants dans le quartier NYAKALIBA sur Avenue MULONGE à Kadutu exerce une activité génératrice des revenues et vend la farine de Manioc et de Maïs. Auparavant, elle s’approvisionnait régulièrement à KAMEMBE, au Rwanda. Elle affirme qu’elle a du mal à exercer son activité depuis que leur fournisseur n’a plus le moyen d’acheminer de la marchandise car KAMEMBE est en quarantaine et ce pour lui un problème de subvenir aux besoins de ses enfants. Des femmes se sont mises ensemble afin de payer un camion qui convoie les cartons des poissons de KAMEMBE à BUKAVU. Nicole KALEMA, une des revendeurs des poissons, indique que les propriétaires de cette marchandise ont d’abord priorisé ceux-là qui ont la possibilité d’acheter 5 cartons ou plus. Celles qui ne peuvent pas, ont du mal à accéder aux marchandises et de ce fait elles n’arrivent plus à subvenir aux besoins de leurs familles.
A MUDAKA, Mélanie M’KASIMBIRA âgée de 57 ans et mère de 8 enfants, vendeuse de poissons, déclare ce 13 Aout que suite à la flambée des prix durant cette période de la pandémie, elle s’est retrouvé avec le capital ne pouvant couvrir que 3 cartons alors qu’elle achetait avant le mois de mars 8 cartons avec la même somme. Elle regrette que cela ait un impact pour sa famille.
Au quartier B à Bagira, Jeanine, enseignante à l’école maternelle, pique une crise d’accident cardiovasculaire suite aux pressions de son bailleur car dans l’incapacité de payer son loyer ne recevant plus de salaire depuis la suspension des activités scolaires. Ayant déjà encaissé plusieurs mois impayés, le propriétaire n’arrive plus à supporter leur présence.
Vendeuse des poireaux dans le sous village de MOGO à MBONOBONO, la femme de NKUBEHINDA MIGABO se secondait avec son mari, depuis le mois de mars, les restaurants ont été fermés et la femme ne vend plus régulièrement ses poireaux au centre-ville, leurs revenues ont été divisées par trois malgré leurs restrictions budgétaires ils ont du mal à nouer les deux bouts du mois.
Violences domestiques
En date du 7 Aout à KALERHE B/commune de Kadutu, une femme a été chassée par son mari qui l’accuse d’avoir contracté la maladie à Corona Virus. Le mari est rentré vers 21h en état d’ivresse et sa femme souffrait d’une grippe. Sous l’effet de l’alcool, il a obligé sa femme à se rendre au centre de traitement par force. En dépit de multiples négociations tenues par les sages du quartier, le mari ne veut pas toujours du retour de sa femme sous le toit conjugale.
Le 4 Aout Marlene CUBAKA, habitante de l’Avenue MUHUNGU dans la commune d’Ibanda, avorte d’une grossesse après avoir été battue par son mari à la veille. Tout part d’une dispute à cause du repas servi à la table, qu’elle a acheté qu’avec 2000 Fc (deux mille francs congolais). De cette dispute, le mari va sauter sur sa femme et lui administrer des coups.
Le site d’information Jambo RDC dans sa publication du 5 Aout relate le témoignage d’une femme agressée par son mari durant le confinement. https://jambordc.info/sud-kivu-temoignage-sur-lecalvaire-des-femmes-mariees-pendant-le-confinement-emission/
Le 6 Aout, dans le sous village de MOGO à BONOBONO, MAOMBI MWERA, âgée de 45 ans et mère de 2 enfants a été tabassée par son mari alors qu’elle est enceinte de 7 mois. Cet homme a mis la main sur sa femme l’accusant de ne lui avoir pas donné assez des fretins secs dit « kabuchungu ». Souffrant de douleur, la femme a pris fuite car pour elle, c’était une fois de plus insupportable.
Victime d’agression Physique par son mari, madame MATABARO, mère de quatre enfants, décide de quitter sa maison ce 3 Aout. Tout part d’une dispute lorsque la femme demande à son mari des comptes concernant les semences. Interrogée, la femme raconte que ce n’est pas la première fois car son mari prend même des habits, souliers, argents de sa femme pour aller acheter de la boisson fortement alcoolisée.
Réclamant son tas de manioc que son mari a donné à sa rival, Célestine MUKESO, âgée de 67 ans est chassée de son foyer par son mari André âgé de 75 ans. Le mari ne pouvant pas comprendre les revendications de sa femme, qu’il a qualifié d’impolitesse, il chasse sa femme. Les faits se déroulent dans le village de CITUZO dans le groupement de MUDAKA/KABARE
AUTRES CAS DE VBG
CIREZI Ange, âgée de 40 ans a été brulée vive ce 4 Aout à LUHIHI suite aux accusations de sorcellerie. L’administrateur du territoire de Kabare Thaddée MIDERHO tout en instruisant les éléments de l’ordre de diligenter une enquête, il a condamné cet acte.
Mama radio reporte sur son site internet que les boissons fortement alcoolisées favorisent des violences sexuelles et basées sur le genre. Selon le président de la société civile de CIMPUNDA, il existe des endroits à CIMPUNDA où des boissons fortement alcoolisées contribuent aux violences sexuelles et les femmes en sont des premières victimes. http://www.mamaradio.info/bukavu-des-boissonsfortement-alcoolisees-favorisent-des-violences-sexuelles-et-basees-sur-le-genre/
Recommandations :
v Aux gouvernements national et provincial :
- Stabiliser le taux de change.
- Appuyer fortement les actions de développement (et initiatives entreprises par les jeunes et les femmes en particulier) qui assurent une forte résilience des communautés et des individus,
- Prendre en compte les besoins sexo-spécifiques des filles et femmes dans toutes les décisions, politiques et mesures prises pendant cette période en s’assurant que les droits des femmes et des jeunes filles ne sont pas laissés pour compte.
v Aux autorités politico-administratives des 3 communes de Bukavu et du territoire de Kabare
- Faire le suivi de prix des articles et denrées alimentaires dans différents marchés de la place.
- Prendre des mesures pour interdire la consommation des boissons fortement alcoolisées.
- Prendre des mesures d’urgence qui allègent les conséquences économiques de la fermeture des frontières Rwanda-RDC et Burundi-RDC ainsi que de la hausse du taux de change sur le panier de la ménagère v Aux autorités judiciaires :
- Sanctionner les commanditaires/auteurs des viols et violences sexuelles – Sanctionner les arrangements à l’amiable.
- Vulgariser l’arsenal juridique (lois, décrets, accords, protocoles) relatif aux violences basées sur le genre
v Aux organisations de la société civile et aux médias :
- Sensibiliser davantage les femmes et les filles pour qu’elles aient le courage de dénoncer tout cas de VBG sans honte ni peur.
- De sensibiliser davantage la population sur les droits humains et les mécanismes pour exiger leur respect
- De dénoncer les violations des droits humains et les violences basées sur le genre en particulier dans leurs familles, écoles, milieu professionnel ou dans la société v Aux parents :
- Réduire sensiblement les travaux ménagers pour les filles et/ou les répartir équitablement entre les filles et les garçons afin de permettre un accès égal à tous les enfants à l’éducation
- Respecter les droits des enfants et ceux des femmes en toute dignité
Fait à Bukavu, le 17 Aout 2020